La transition écologique en débat

Notre vision, comme chrétiens, porte un nom : l’Espérance.
Le débat que nous organisons aujourd’hui se situe sur ce chemin. Nous souhaiterions donc que nous ne nous comportions pas comme si nous étions ensemble auprès d’un mourant. Toutes ces douleurs, si rudes soient-elles, sont celles d’un enfantement et nous sommes au contraire dans la salle d’accouchement d’un monde nouveau… 
Laurent Landète, responsable de l'Observatoire Laudato Si en Gironde

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Dans le cadre du grand débat national, une rencontre sur la transition écologique était organisée à la Maison saint Louis Beaulieu, le mardi 12 mars 2019.

 

Retrouvez ci-dessous l'introduction de Laurent Landète, responsable de l'Observatoire Laudati Si en Gironde, en ouverture de ce débat. 

Une crise majeure aux facettes multiples.

Ces derniers mois ont montré que nous traversions une crise majeure.

Nous le savons, l’élément déclencheur de ce phénomène fut précisément la mise en place d’une taxe pour financer la transition écologique. Cette révolte, dite des « gilets jaunes », est le révélateur d’un cri jusque-là silencieux : une grande partie de notre société se sent humiliée, rejetée, exclue, en dehors des préoccupations de ceux qui nous gouvernent. 9 millions d’hommes et de femmes sont en situation de si grande pauvreté qu’ils estiment n’avoir plus rien à perdre. Ils n’ont pas d’autre préoccupation que de se nourrir chaque jour, ou tout simplement de se loger, tandis que d’autres bénéficient de revenus leur permettant de consommer toujours plus.

Ce mouvement social est également révélateur d’un déficit de relations humaines : beaucoup ont souligné que les ronds-points étaient devenus des lieux où l’on brise un isolement, généré entre autres, par nos addictions aux petits écrans…

La confiance dans les institutions et dans les élus est affaiblie. Elle se traduit parfois par une violence inégalée à leur égard : tout le monde est mis dans le même sac. Le mode d’exercice du pouvoir est aujourd’hui partout remis en cause et le « dégagisme » s’empare de nombreux esprits. Dans les mois qui ont précédé cette crise, un large mouvement de femmes avait lui aussi fortement réagi, face à de nombreux comportements déviants et gravement humiliants à leur égard, au sein d’une société qui réduit le sexe, comme tout le reste, à un bien de consommation. On consomme et on jette. On se consomme et on se jette…La dignité et la liberté de la personne humaine et particulièrement du plus fragile, du plus petit est souvent bafouée, voire même niée.

Cette crise sociale est exacerbée par les signes avant-coureurs d’une crise écologique sans précédent. Les spécialistes du climat, des océans, des animaux, mais aussi les chimistes, les physiciens ou les biologistes, nous alertent sur l’absolue nécessité d’une prise de conscience de cette réalité :

Au cours des 25 dernières années, les forêts ont perdu 1,2 milliard de km², le nombre d’espèces animales a chuté de près d’un tiers, les émissions mondiales de gaz à effet de serre (liées aux activités humaines) ont augmenté d’environ 80 %. Les températures montent de manière inquiétante, la population mondiale a augmenté de 35%. L’Eau manque cruellement dans tant de pays (les ressources par habitant ont chuté de moitié en 60 ans). Pourtant, chez nous, nous nettoyons nos déchets avec de l’eau potable. Pour une calorie alimentaire qui arrive dans nos assiettes, il faut en moyenne douze calories provenant des énergies fossiles pour l’y transporter. Les objets courants que nous achetons à des prix défiant toute concurrence, masquent le plus souvent des océans de misère. En regardant les étiquettes de nos pulls, de nos pantalons nous pouvons facilement imaginer qu’ils ont été confectionnés par des esclaves. Dans cette économie mondiale, acheter le moins cher n’est pas forcément toujours vertueux. La façon dont nous nous chauffons, contribue à l’épuisement des ressources énergétiques, tout en étant l’enjeu de guerres sans merci entre des pays qui ne se soucient aucunement des dégâts humanitaires et environnementaux. En 2018, au cours des huit premiers mois, l’humanité avait a déjà consommé toutes les ressources naturelles renouvelables que la planète pouvait produire sur une année entière. Plus préoccupant encore : l’empreinte écologique des pays développés est cinq fois supérieure à celle des pays pauvres. Nos manières de consommer renforcent les fragilités des pays du Sud et creusent notre écart avec eux. Une étude récente de la Banque mondiale montre que si l’on n’agit pas contre le changement climatique et pour le développement, « l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud et l’Amérique latine pourraient être globalement et rapidement confrontées à l’exil de 140 millions de personnes qui pourraient être forcées de se déplacer en raison des sécheresses, des mauvaises récoltes, de l’élévation du niveau de la mer et de l’aggravation des tempêtes ». Le modèle agricole qui jusqu’ici avait permis de nous nourrir est également en grande difficulté et aujourd'hui, parmi les paysans français, il y a 4000 tentatives de suicide par an, dont 300 au moins aboutissent.

Cette crise généralisée, cette crise de la crédibilité, s’étend à de nombreuses structures de la société. L’Église catholique elle-même prend actuellement de plein fouet, une des plus grandes épreuves de toute son histoire. Cette crise de gouvernance, est manifestée par les abus d’un pouvoir qui prend ici le nom de cléricalisme. Les abus sexuels liés aux abus de pouvoir, révèlent quant à eux, une tragédie à grande échelle, à l’image de ce que vit la société toute entière.

Mais devons-nous nous cantonner à ce diagnostic général catastrophique ? Devons-nous nous laisser aller à une profonde déprime ?

 

"Tout est lié."

Le pape François, dans son encyclique Laudato Si, nous montre avec une grande justesse que tous ces problèmes sont intimement liés : gouvernance, économie, finance, agriculture, migrations, respect du vivant et de la maison commune…

Et si tout est lié, c’est parce que l’homme est au cœur de tous ces enjeux. « Qu’as-tu fait ? Où est ton frère ? », nous dit le livre de la Genèse (4). « Qu’as-tu-fait de ton frère ? » insiste le pape se référant à ce même passage de la Bible qui traverse tous les âges. Ce positionnement original montrant que tout est lié, nous ouvre à de nouvelles perspectives. En effet, la prise conscience de ces interactions entre toutes ces problématiques, ne serait-elle pas un levier puissant pour construire cette transition et collaborer résolument à cette période de mutation historique globale ?

En tant que chrétiens, en tant que baptisés, notre relation avec le Christ, nous pousse à collaborer ensemble aux débats de société, en scrutant les signes des temps, tout en proposant pleinement la vision et la sobriété de l’Évangile. En effet, l’histoire nous enseigne que les solutions les plus intelligentes proposées pour apaiser les angoisses et répondre aux besoins de l’humanité, peuvent devenir des idéologies complètement folles, si elles ne sont pas vivifiées par la liberté, la charité, la justice et le souffle de l’Esprit. Notre histoire humaine est autant traversée par des tragédies, véhiculées par ces idéologies que par des renouveaux inspirés qui ont bouleversé durablement les sociétés. Sans vision, le peuple est sans frein, nous rappelle le livre des proverbes dans la Bible.

 

L'Espérance, une vision chrétienne face à la crise.

Notre vision, comme chrétiens, porte un nom : l’Espérance.
Le débat que nous organisons aujourd’hui se situe sur ce chemin. Nous souhaiterions donc que nous ne nous comportions pas comme si nous étions ensemble auprès d’un mourant. Toutes ces douleurs, si rudes soient-elles, sont celles d’un enfantement et nous sommes au contraire dans la salle d’accouchement d’un monde nouveau… Nous sommes confrontés au choix radical d’une nouvelle civilisation ! Le nouveau mode de vie auquel nous sommes appelés, nous invite à reconsidérer notre vision de la société de manière très étendue, très profonde.

Abordons donc le débat de ce soir comme chercheurs inspirés et créatifs qui tiennent compte de ces nombreuses questions existentielles :

Quel modèle économique et social voulons-nous ? Comment exerçons-nous la subsidiarité et la confiance dans nos responsabilités ? Quels rapports humains voulons-nous ? Comment nous écoutons-nous ? Quelle place faire à la complémentarité entre l’homme et la femme dans toutes nos institutions ?

Comment nous alimentons-nous ? Quelle agriculture voulons-nous ? Comment nous chauffons-nous ? Quel usage faisons-nous de l’eau ? Comment nous déplaçons-nous ?

Quelle anthropologie souhaitons-nous ? Que souhaitons-nous transmettre à nos enfants, à ces migrants ou ces jeunes des quartiers difficiles qui cherchent une vie meilleure ? Comment nous impliquerons-nous dans une coopération avec les peuples du sud ? Comment favoriserons-nous un développement durable avec ces pays malades de la corruption et de l‘insolence de notre consommation sans limite ?

Victor Hugo disait que « le progrès c’est la révolution faite à l’amiable ». Notre rencontre de ce soir est importante car elle est une chance. Elle nous offre en effet l’occasion de participer paisiblement à cette révolution, à cette mutation, afin de reconquérir ensemble cette espérance, pour que se déploie une « évangélisation durable » au service d’un « développement durable » de l’humanité.

 

Laurent Landète

Responsable diocésain de l'Observatoire Laudato Si en Gironde.

 

 

 

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